Les villes belges sont de plus en plus confrontées à d'importants écarts sociaux entre les différents quartiers qui les constituent. C'est souvent le résultat d'une conjonction de difficultés sociales frappant certaines zones plus que d'autres. Dans les quartiers concernés, la faiblesse du revenu moyen et du taux de scolarisation, l'importance du chômage, la qualité parfois médiocre du cadre de vie et l'inaccessibilité des services publics nuisent aux perspectives d'avenir de la population. Cette 'Analyse dynamique des quartiers en difficulté dans les régions urbaines belges' apporte un regard neuf sur les quartiers défavorisés de Belgique. Elle porte sur les secteurs les plus en difficulté cumulant 30% de la population soit environ deux millions de personnes. L'étude a été réalisée sous la direction de l'Université libre de Bruxelles (ULB), à la demande du SPP Intégration sociale et en collaboration avec la Katholieke Universiteit van Leuven (KUL).

     

    Ce qui saute aux yeux, c'est l'ampleur des différences entre les villes wallonnes et Bruxelles, d'une part, et les villes flamandes, d'autre part. Les grandes villes wallonnes, qui traversent une crise structurelle depuis les années '70, sont les plus touchées par la pauvreté. La région urbaine de Liège abrite plus de 283.000 personnes résidentes dans un quartier en difficulté (43%) et Charleroi 230.000 (56%). Mais les grandes villes flamandes ne restent pas épargnées. Tout comme à Bruxelles, de nombreux habitants vivent dans des quartiers pauvres : ils sont 200.000 à Anvers (20%) et 78.000 à Gand (18%). C'est là que s'accumulent les problèmes tels que chômage, dépendance vis-à-vis des revenus de remplacement, forte présence de personnes d'origine étrangère, soucis de santé et mauvais résultats scolaires.

    Au sein des secteurs, un phénomène important de glissement du taux de chômage vers le taux d’allocataires sociaux est observé. A Liège, par exemple, le taux de chômage a baissé de 12,28% alors que le taux d’allocataires sociaux a augmenté de 26,09%. A Charleroi, ces taux respectifs s’élèvent à -13,48% et +86,07%. Dans la capitale, le taux de chômage a baissé de 1,21% et le taux d’allocataires sociaux a augmenté de 30,73%. Quant aux villes d’Anvers et de Gand, elle affiche des taux respectifs de -12,75% et +20,37% et de -23,91% et +42,46%. « Ce constat exige une politique de soutien des CPAS dans leur rôle », souligne Julien Van Geertsom.

    Les données de l'étude s'étendent sur une période allant de 2003 à 2010, ce qui permet d'obtenir une vision claire de l'évolution des différents problèmes des quartiers en difficulté, comme le chômage, le revenu, l'afflux massif de nouveaux arrivants, etc. Pour une meilleure compréhension des chiffres, l'analyse porte également sur les flux migratoires. Une distinction a été établie dans ce cadre entre les migrations étrangère et intérieure. Il a également été tenu compte du statut social des migrants.

    De manière générale, l'évolution de la migration au cours des dix dernières années a exacerbé certains problèmes. L'immigration étrangère vers les grandes villes flamandes et vers Bruxelles fait des quartiers les plus pauvres des lieux par excellence où les nouveaux arrivants les plus vulnérables viennent s'établir. L'immigration expose ces quartiers surpeuplés et fragiles à un taux de natalité et à une densité de population toujours plus élevés. Julien Van Geertsom : « Il n'est plus question de dépeuplement des grandes villes. Bruxelles - et dans une moindre mesure les grandes villes flamandes - doivent gérer une forte croissance démographique. » Même dans les centres-villes wallons, le nombre d'habitants ne baisse plus, bien que la croissance démographique y soit moins marquée. « Ce revirement pousse les autorités à agir. Les actions consistent par exemple à construire des logements ou à mettre à disposition certains services publics, comme la garde d'enfants et l’enseignement », ajoute Julien Van Geertsom.

    À Bruxelles et dans les grandes villes flamandes, on constate un déplacement manifeste de la population défavorisée des quartiers pauvres du centre vers les quartiers avoisinants de moyen standing. Les nouveaux groupes de migrants s'installent quant à eux de préférence dans les quartiers les plus précarisés. Les quartiers les plus aisés semblent rester inaccessibles. Tant les ménages fuyant les zones les plus pauvres que les nouveaux migrants délaissent ces quartiers.

    Selon les chercheurs, « la hausse de la croissance démographique dans les grandes villes, et en particulier à Bruxelles, pèse donc surtout sur les quartiers les plus pauvres et leur périphérie à peine moins défavorisée. » La dynamique des grandes villes wallonnes diffère quelque peu. Les nouveaux migrants s'établissent certes dans les centres appauvris, mais ils sont moins nombreux. On note par contre une amélioration dans plusieurs quartiers précarisés proches de la périphérie. Cette remontée découle de l'arrivée de familles issues de la classe moyenne, qui peuvent profiter d'un coût de l'immobilier moindre dans ces quartiers.

    « A Bruxelles, Gand, ou Anvers, le problème n’est pas tant le niveau des revenus ou du chômage, que la concentration géographique des populations les plus précaires dans des parties limitées de la ville », conclut Julien Van Geertsom.

    Atlas 2015

    Au fil des ans, la Politique fédérale des grandes villes a commandité plusieurs études sur les quartiers les plus défavorisés de nos régions urbaines belges. Cet atlas sert entre autres à identifier ces quartiers afin d'y soutenir des projets dans le cadre des contrats Ville durable et à déterminer les villes qui recevront une aide financière dans le cadre de ces contrats. Les résultats de l'étude précédente sont parus en 2006. Cet atlas est donc une mise à jour de l'édition 2006.

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