Le FAMI (le Fonds Asile, Migration et Intégration) est un fonds créé par l'Union européenne pour parvenir à une gestion plus efficace des flux migratoires. Le fonds soutient, entre autres, des projets qui favorisent l'activation sociale des primo-arrivants provenant de l'extérieur de l'Union européenne et renforce l'assistance au sein des CPAS par des formations spécifiques.

    Dans le cadre du FAMI, le CAW (centre d'aide sociale) Oost-Vlaanderen propose la formation « Travailler dans le respect des différences culturelles via Mind-Spring » (Cultuursensitief werken via Mind-Spring). Il s'agit d'un programme de formation gratuit destiné aux collaborateurs des CPAS qui travaillent avec des réfugiés et aux organisations partenaires qui accompagnent les réfugiés qui font appel aux CPAS. Au travers de cette formation, les intervenants sociaux apprennent à reconnaître les traumatismes et autres phénomènes psychologiques liés à la migration (tristesse, traumatisme, démence, psychose ou anxiété en raison de la migration), découvrent comment adapter leur assistance et leurs services en conséquence et comment orienter les personnes présentant ces phénomènes spécifiques vers le bon expert. Actif dans le secteur social depuis 20 ans, Philippe Spegelaere travaille actuellement comme assistant social au CPAS de Louvain, pour le service de l'emploi. Il a suivi cette formation en 2020-2021 et nous livre son expérience.

     

    Philippe : « C'est dans le cadre de mon travail au CPAS de Louvain que j'ai entendu parler pour la première fois de Mind-Spring. J'ai suivi la formation au sein du CAW avec un collègue, avant de poursuivre pour devenir co-accompagnateur Mind-Spring. Depuis, j'ai déjà participé à l'encadrement d'un groupe Mind-Spring. Ces formations étaient pour moi l'occasion de professionnaliser mon intérêt pour le travail dans le respect de la culture, d'une part, et d'apprendre des outils à utiliser dans la pratique, d'autre part.

    La formation débutait par une introduction générale au programme Mind-Spring. Dans le premier module, l'accent était principalement mis sur la sensibilisation, l'information sur les thèmes clés et la psychoéducation. Des intervenants intéressants, dotés d'une riche expertise (dans l'accompagnement des personnes traumatisées, par exemple), sont venus partager leurs expériences et leurs conclusions avec nous. La qualité de la formation était vraiment très bonne.

     Lors du deuxième module, nous avons participé à plusieurs moments d'intervision, où nous avons pu discuter de cas spécifiques. Ces sessions étaient particulièrement pertinentes et bien axées sur la pratique, car nous avions pu nous prononcer sur leur contenu au préalable. »

     

    Quels sont les thèmes qui vous ont paru importants ? Que retiendrez-vous essentiellement ?

    Philippe : « Le thème de la "transition" était pour moi particulièrement intéressant. Les nouveaux arrivants se trouvent à ce moment charnière de leur vie où ils doivent mettre de l'ordre et se construire un nouvel avenir. Ils ont connu et fui la violence, mais peuvent encore y être confrontés ici. La formation était l'occasion de discuter de cette réalité, de définir notre approche face à cela.

    En tant que travailleur social, vous avez parfois le sentiment qu'un client garde ses distances, qu'il ne veut pas coopérer au trajet d'accompagnement. De la frustration apparaît souvent des deux côtés. Toutefois, si vous parvenez à comprendre le contexte dans lequel une personne arrive ici et les défis auxquels elle est confrontée en Belgique, vous pouvez créer un espace de dialogue. La formation nous a fourni des outils pour balayer nos propres préjugés, nous positionner "à la place" du groupe cible. En tant que travailleur social, vous réalisez assez vite que le revenu d'intégration n'est autre qu'un dernier filet de sécurité. Les gens doivent pouvoir et vouloir trouver leur chemin vers l'activation. Parfois, avec les clients pour qui l'accompagnement est difficile, nous pensons qu'il s'agit d'une histoire de "mauvaise volonté", alors qu'en réalité il est question d'une incapacité. Et pour évaluer cela correctement, il faut vraiment se mettre dans la situation du client.

    Dans mon travail aussi, je constate certaines lacunes dans notre communication vers le groupe cible et dans mes connaissances et mon expertise autour des thèmes des phénomènes psychologiques liés à la migration. J'ai bien entendu été formé en tant qu'assistant social, et tout au long de ma carrière, j'ai pu m'appuyer sur les connaissances acquises au cours de mes études et de mes expériences, mais il me manquait cette expertise solide pour approcher le groupe cible spécifique que sont les réfugiés. Je sentais qu'il me fallait une formation supplémentaire pour élargir mon expertise, et le programme Mind-Spring a répondu à ce besoin.

    Je peux d'ailleurs appliquer la méthodologie apprise de façon beaucoup plus large dans ma pratique : j'utilise les connaissances et les outils acquis avec d'autres groupes cibles. Beaucoup de nos clients se trouvent en effet dans une situation de transition, de stress ou de traumatisme similaire. Dans notre travail, cette sensibilisation est toujours très pertinente : elle nous permet d'être mieux préparés pour orienter les clients vers une aide psychologique.

    Je pense donc qu'il est très important que les travailleurs sociaux soient ouverts à cette sensibilisation et participent à ces formations. Mais je comprends aussi qu'il est parfois difficile de faire de la place pour cette nouvelle méthodologie et cette nouvelle mentalité alors que nous avons déjà une charge de travail élevée, car cela a aussi pour effet de rendre notre travail d'accompagnement plus complexe. Impossible d'aller de A à B en ligne droite... vous empruntez un itinéraire plus long, avec parfois ses détours. Mais qui mènera à une issue positive à plus long terme, j'en suis convaincu. Le manque de sensibilisation entraîne l'absence de réflexion, et le changement de mentalité ne s'opère alors pas.

    Le CPAS et la ville de Louvain s'engagent réellement en faveur d'une méthodologie respectueuse de la culture de chacun. Des accompagnateurs spécialisés ont été engagés (CSO ou « cultuursensitieve ondersteuners »). Il s'agit de personnes issues de l’immigration ou de réfugiés qui peuvent aider à améliorer la communication et la relation entre le prestataire d'aide ou de services et le client. Ils servent d'interprètes pour la barrière de la langue, mais aussi de la culture. »

    Vous avez participé à l'encadrement d'un groupe Mind-Spring. Qu’en retirez-vous ?

    Philippe : « C'était une formidable expérience. Cela m'a vraiment donné un coup de pouce dans mon travail. J'ai prêté assistance au formateur Mind-Spring, j'ai pu observer et préparer quelques exercices de relaxation. Je vérifiais également si les personnes avaient besoin d'une aide particulière et je les orientais. Je me sentais vraiment le bienvenu. Le formateur m'a immédiatement intégré au groupe, et notre duo a particulièrement bien fonctionné. Pour les exercices de relaxation, je me suis concentré sur les bases : j'ai montré un certain nombre d'exercices de respiration que les gens peuvent pratiquer n'importe où. En collaboration avec Care4refugees, j'ai pu présenter ces exercices en arabe, soit la langue du groupe.

    Pour moi, cet accompagnement Mind-Spring a été une période très créative et intéressante où j'ai pu mettre en pratique les outils acquis lors de la formation. Dans mon travail, j'assure principalement un accompagnement individuel, mais je crois aussi vraiment au pouvoir et à la pertinence de l'apprentissage en groupe. »

     

    Pourquoi recommanderiez-vous cette formation à d'autres collaborateurs du CPAS ?

    Pour moi, c'était intéressant car cela m'a donné le contexte théorique dont j'avais besoin, en plus de me faire réfléchir à mon propre état d'esprit vis-à-vis du groupe cible des nouveaux arrivants. La formation m'a donné la possibilité de discuter de ces questions avec des collègues en nous appuyant sur une base, un cadre méthodologique. C'est un réel avantage : vous obtenez la théorie et les outils nécessaires pour sensibiliser à votre tour vos collègues et, en fin de compte, ouvrir les mentalités au sein de votre équipe. Je trouve également intéressant que le SPP IS participe à l'initiative par le biais du FAMI : j'y vois une reconnaissance de l'importance de cette formation, de l'attention prêtée à ces thèmes et à ce groupe cible. Sensibiliser le plus grand nombre possible d'intervenants des CPAS à de telles questions ne peut que profiter à nos opérations. D'autant que la méthodologie qui vous est enseignée peut être appliquée de manière plus large. Les exercices et outils transmis sont en effet pertinents pour de nombreux autres groupes cibles.

     

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