Visite au groupe MIRIAM du CPAS de Balen

    MIRIAM est un programme du SPP Intégration sociale qui s’adresse aux mères célibataires en situation de pauvreté. Avec le programme MIRIAM, le SPP IS vise à combattre cette pauvreté, contribuer à l’empowerment (l'autonomisation) et à briser l’isolement social. Le programme adopte une approche holistique, qui se concentre sur dix domaines de vie différents. Les mères isolées vivant en situation de pauvreté font l'objet d'un suivi individuel intensif, mais l'accent est surtout posé sur l'accompagnement collectif qui a lieu au moins une fois tous les quinze jours. En septembre 2022, le programme MIRIAM a été lancé pour la 4è fois.

    Le jeudi 9 mars, Hanne Jacobs, du service Communication, et Jan Surquin, coordinateur du programme MIRIAM, ont assisté à un moment d'accompagnement collectif du groupe MIRIAM du CPAS de Balen Ce groupe a démarré le programme d'accompagnement MIRIAM en septembre 2022 et compte actuellement 12 mères. Voici le récit de cette visite :

    Jan et moi avons de suite été chaleureusement accueillis par les deux gestionnaires de cas et les six mamans présentes. L'atmosphère était détendue : on prépare du café, on pose quelques biscuits sur la table, il n'en faut pas plus pour entamer une conversation ouverte et sincère. On rit beaucoup, mais les mamans n'hésitent pas à aborder des sujets sérieux. Différents thèmes sont abordés de manière très décontractée : les relations complexes que les mères entretiennent avec le père de leurs enfants, les expériences avec le tribunal de la jeunesse, le passage ou non dans l'enseignement spécialisé, l'audace de se mettre au premier plan, les problèmes avec les propriétaires...

     

    Une belle dynamique de groupe

    Certaines de ces mères ont eu une semaine difficile. Par exemple, lors d'une réunion de parents à l'école, l'une d'entre elles a appris que son fils devra suivre un enseignement spécialisé après cette année scolaire. Cette maman, qui pensait venir à une réunion de parents ordinaire, a été bouleversée par cette nouvelle. Les autres l'écoutent, lui donnent l'occasion de raconter son histoire et comprennent ce qu'elle ressent. Certaines mamans, qui ont aussi vécu la transition de leur enfant vers l'enseignement spécialisé, la rassurent en partageant leur expérience.

    Par exemple, une personne explique que sa fille n'était pas heureuse dans son ancienne école. La jeune fille ne trouvait pas sa place dans le cadre de l'enseignement ordinaire et a donc également changé d'école. « En fin de compte, en tant que mère, vous voulez ce qu'il y a de mieux pour votre enfant, dit-elle. J'avais une fille malheureuse, mais maintenant j'ai une enfant merveilleuse. Il faut surtout considérer ce changement comme une nouvelle opportunité. » Une autre maman raconte que son fils est lui aussi beaucoup plus apaisé depuis qu'il suit un enseignement spécialisé. Dans sa nouvelle école, on tient compte de ses besoins individuels et les contacts avec l'école sont très faciles, ce qui n'était pas toujours le cas avant.

    L'une des gestionnaires de cas note que les femmes sont toujours de bon conseil. Le groupe le confirme et souligne combien il est important pour elles de savoir que d'autres mères traversent les mêmes épreuves, qu'elles ne sont pas seules. « Un psychologue ne connaît pas votre situation, il parle d'après sa formation, explique l'une d'entre elles. Ici, vous me comprenez vraiment. »

    La gestionnaire de cas note avec un sourire que les mères sont très douées pour se donner des conseils mutuels, mais moins douées pour écouter leurs propres conseils. Le groupe approuve : « On se dit toujours qu'il faut prendre soin de soi, qu'il faut parfois oser se mettre au premier plan, mais on ne le fait pas nous-mêmes. »

    La responsabilité des mères

    Non seulement le contact avec l'école est difficile pour certaines, mais souvent la communication avec le père de l'enfant l'est tout autant. Dans cette salle remplie de femmes, à l'exception de Jan, on peut plaisanter de bon cœur à propos « des hommes ». L'une des gestionnaires de cas raconte qu'elle a un jour parlé de son mariage dans le groupe et que les mères se sont esclaffées : « Moi aussi, à une époque, j'étais heureuse en ménage ».

    Mais en même temps, il est clair que le groupe est souvent confronté à des situations inconfortables, voire choquantes. « Être père est un droit, pas une obligation », déclare une mère. On ne peut pas toujours compter sur les pères. Ils sont souvent absents, par exemple aux réunions de parents, et ne semblent pas toujours s'intéresser au quotidien de leurs enfants. « L'école me demande pourquoi il n'est pas là, et je ne le sais pas moi-même. En tant que mère, vous avez toujours cette responsabilité, vous êtes jugée sur cette base, mais le père est autorisé à faire ce qu'il veut », explique l'une d'entre elles. Quelqu'un d'autre dit qu'on a souvent l'impression de livrer un combat permanent : avec le père, avec l'entourage, avec les bailleurs sociaux, avec l'école et parfois même avec l'enfant.

     

    Le partage d'expériences,  ce qui fait le groupe

    Au cours de la conversation, on sent clairement que ces femmes se sentent à l'aise les unes avec les autres. Tout le monde ne prend pas la parole aussi souvent, mais ce n'est pas non plus une obligation. Les mamans réalisent très bien à quel point le lien qu'elles partagent est spécial. Cela n'a pas toujours été aussi évident. « J'étais très isolée, j'étais vraiment enfermée chez moi. Je ne voyais personne. Venir ici la première fois a été très difficile », explique l'une d'entre elles. L'une des gestionnaires de cas acquiesce : « J'ai dû faire beaucoup d'efforts pour te convaincre ». Une autre maman dit qu'elle aussi était très stressée à la première réunion de groupe. « Ma première question a été : est-ce que je vais pouvoir être moi-même ? »

    Certaines se connaissaient de vue, mais ne savaient rien de leurs histoires respectives. Elles se sont d'abord senties un peu mal à l'aise, voire gênées, à la vue de ces visages familiers. « Mais quand on commence à se raconter, explique une maman, on découvre qu'on est sur la même longueur d'onde, qu'on est toutes dans le même bateau. » Très vite, un sentiment d'appartenance au groupe s'est imposé à Balen. Selon elles, la force du groupe réside dans leur ouverture à toutes : « Le partage d'expériences, c'est ce qui fait le groupe ». Les gestionnaires de cas ont également veillé à instaurer un climat sécuritaire. Lors de la première réunion de groupe, des accords très clairs ont été mis sur papier. Elles ont également créé une relation de confiance avec ces femmes, à la fois pendant les réunions de groupe et pendant l'accompagnement individuel. « Ce n'est pas comme les autres travailleurs sociaux, je n'avais encore jamais eu une telle relation avec quelqu'un du CPAS », confirme une maman.

    Parallèlement, les gestionnaires de cas constatent que le groupe MIRIAM leur apporte aussi une grande valeur ajoutée sur le plan personnel et dans leur travail au sein du CPAS. « En tant que travailleur social, on n'a souvent pas le temps de faire plus que le travail administratif », a déclaré l'une d'entre elles. Selon elle, le fonctionnement de MIRIAM a déjà apporté beaucoup au fonctionnement du CPAS en général. « De nombreux collègues sont jaloux de nous et du travail que nous faisons », déclarent fièrement les gestionnaires de cas. « Cela leur a fait comprendre, ainsi qu'au conseil d'administration du CPAS, à quel point il peut être utile de se demander : cette personne qui vient nous voir, quelle est son histoire ? Et que pouvons-nous faire en tant que CPAS pour l'améliorer ? »

    POWERGIRLS

    Depuis septembre, la situation de ces mères a déjà beaucoup changé. Pour certaines, le groupe MIRIAM est un premier pas pour sortir de l'isolement social. La plupart des mamans se parlent ou se voient aussi en dehors des réunions du groupe MIRIAM. Elles ont créé un groupe Whatsapp dans lequel elles continuent à se soutenir et à s'encourager entre les réunions, sous la devise « POWERGIRLS ». Whatsapp est aussi utilisé pour des questions plus pratiques : lorsque quelqu'un a besoin d'aide pour un déménagement, par exemple. Certaines mamans se rencontrent chez l'une ou l'autre d'entre elles avec les enfants. Les gestionnaires de cas ont aussi planifié plusieurs activités avec le groupe (et les enfants) : une promenade d'Halloween, une réception de Nouvel An et une séance d'information sur l'UiTPAS. Une psychothérapeute, elle-même maman, viendra bientôt leur rendre visite.

    « J'en ai vraiment besoin. Parfois, je n'ai pas confiance en moi, mais quand je reçois des messages comme ‘tu peux le faire !’, je me sens vraiment soutenue », explique une mère. L'autonomisation prend de nombreuses formes dans le cadre de l'accompagnement MIRIAM. Au sein du groupe, les femmes apprennent à connaître leurs propres forces et talents. Une des mamans a entamé une formation, une autre a démissionné d'un de ses emplois... Tout le monde a pris des mesures importantes. Elles sont fières de leur parcours. C'est ce que MIRIAM signifie pour elles : travailler sur soi-même, être fier de soi, partager ses expériences, se soutenir mutuellement, donner et recevoir des félicitations, mais aussi apprendre à reconnaître ses propres obstacles et s'autoriser à faire des erreurs.

    Et la suite ? Certaines en ont peur. « Si vous ne trouvez personne pour le prochain groupe, nous reviendrons avec plaisir », s'amuse une maman. Et elle le pense vraiment, car elle ne veut pas que l'accompagnement MIRIAM prenne fin. « Mais on ne se lâchera pas », les rassurent les gestionnaires de cas. Elles envisagent même d'organiser un « café des mamans » avec le groupe MIRIAM actuel et les suivants. La réunion se termine par une heureuse nouvelle : l'une des gestionnaires de cas attend un bébé. Les mamans réagissent avec enthousiasme : « Oh, alors je vais ouvrir une garderie », s'amuse l'une d'elles. Et elle obtient immédiatement l'aval des powergirls : : « Tu ferais ça très bien ! ».